La médecine nouvelle

Biologie totale / Médecine Nouvelle Germanique – Présentation

Elle n’est pas la seule, mais l’expression Biologie totale est probablement la mieux connue pour nommer une toute nouvelle hypothèse qui explique le processus de formation des maladies. En porte-à-faux avec à peu près tout ce que la science moderne défend – et donc très critiquée -, cette approche est basée sur la prémisse selon laquelle toutes les maladies, sans exception, sont causées par un conflit psychologique traumatisant impossible à gérer, un « surstress ». Chaque type de conflit ou d’émotion toucherait une zone précise du cerveau, au point d’y laisser une empreinte physiologique, ce qui toucherait automatiquement l’organe relié à cette zone.

De ce fait, les divers symptômes – douleur, fièvre, paralysie, etc. – seraient des signes d’un organisme qui cherche sa survie avant tout : incapable de gérer psychiquement l’émotion, il ferait porter le stress par le corps. Par conséquent, si l’on réussissait à résoudre le problème psychique en cause, cela ferait disparaître le message de maladie envoyé par le cerveau. Le corps pourrait alors revenir à la normalité, ce qui se traduirait automatiquement par une guérison. Selon cette théorie, il n’y aurait pas de maladies « incurables », seulement des malades temporairement incapables d’accéder à leurs facultés personnelles de guérison.

Biologie totale / Médecine Nouvelle Germanique

L’approche comprend plusieurs clans, mais deux principaux courants. Au départ, il y a la Médecine nouvelle, que l’on doit à Ryke Geerd Hamer, un médecin d’origine allemande qui l’a mise au point au tournant des années 1980 (l’expression n’ayant jamais été protégée, le Dr Hamer a rebaptisé officiellement son approche Médecine Nouvelle Germanique pour la distinguer des diverses sous-écoles apparues avec le temps). On connaît également la Biologie totale des êtres vivants décrite sous forme d’histoires naturelles comparant les trois règnes : végétal, animal et humain (oui, c’est le nom officiel), créée par un ancien élève de Hamer, Claude Sabbah. Ce médecin, né en Afrique du Nord et maintenant établi en Europe, dit avoir mené plus loin le concept de la Médecine nouvelle. Tandis que Hamer a défini les grandes lois qui régissent les mécanismes biologiques en cause, Sabbah a beaucoup travaillé sur le volet interprétatif du lien entre émotion et maladie.

Les deux praticiens ayant poursuivi leurs travaux de façon indépendante, les deux approches sont aujourd’hui très distinctes. D’ailleurs, le Dr Hamer prévient sur son site que la Biologie totale « ne représente pas le matériel de recherche authentique de la Médecine Nouvelle Germanique ».

 

Les lois biologiques selon Hamer

Atteint d’un cancer des testicules apparu peu après la mort violente de son fils, le Dr Hamer a émis l’hypothèse qu’il puisse exister un lien entre les deux événements, hypothèse qu’il s’est mis en frais de vérifier auprès de malades atteints eux aussi de cancer. Quelques années plus tard, après avoir examiné des milliers de cas, il énonçait cinq « lois » qui seraient inscrites dans le code génétique de tout organisme vivant – plante, animal ou humain.

La première, celle qu’il appelle la « loi d’airain », stipule que le choc émotionnel agit en déclencheur parce que la triade émotion-cerveau-corps est biologiquement et inexorablement programmée pour la survie. Pour reprendre une image suggérée par Raymond Pageau1, un des responsables de la Biologie totale au Québec, ça se passerait comme si, à la suite d’un choc émotionnel « ingérable », l’intensité exceptionnelle de l’influx neurologique (comparable à une surcharge de courant) atteignait le cerveau émotionnel (la boîte de contrôle électrique), et faisait sauter tel ou tel fusible (les neurones d’une zone précise). La maladie (la panne causée par le fusible brûlé) sauverait donc l’organisme d’une mort probable (l’incendie général que provoquerait une surcharge non protégée par un fusible) et assurerait ainsi la survie de l’organisme. Il faut aussi mentionner que le cerveau ne fait pas de distinction entre les stress réels (se trouver à la merci d’un tigre féroce) et symboliques (se sentir à la merci d’un patron furieux), chacun pouvant déclencher la réaction biologique.

Les trois lois suivantes, assez complexes, concernent les mécanismes biologiques par lesquels la maladie se crée et se résorbe2La cinquième, la « loi de quintessence », stipule que ce nous appelons « maladie » fait en réalité partie d’un programme biologique bien fondé, prévu par la nature au cours des temps, pour assurer notre survie devant des circonstances adverses.

La conclusion globale est que la maladie a toujours un sens, qu’elle est utile et même vitale pour la survie de l’individu. Dans les conditions où le surstress s’est produit, il s’agirait d’une parfaite réaction d’adaptation – la seule solution biologique possible pour le cerveau. « La maladie est un ressenti devenu inconscient », écrit Christian Flèche3. De plus, ce qui fait qu’un événement va déclencher ou non une réaction biologique (une maladie) ne serait pas sa nature (fausse couche, perte d’emploi, agression, etc.), mais la façon dont la personne le vit (dévalorisation, rancoeur, résistance, etc.). Chaque individu, en effet, réagit différemment aux événements stressants qui surviennent dans sa vie. Ainsi, une perte d’emploi pourra générer chez une personne une détresse d’une telle ampleur qu’elle se traduira par une intense réaction de survie : une maladie « salvatrice ». Par contre, dans d’autres circonstances, la même perte d’emploi pourrait plutôt être considérée comme une occasion de changement, ne causant pas de stress excessif… ni de maladie.

On dit qu’à la recommandation de Hamer, certains praticiens de la Médecine nouvelle (mais pas tous) préconisent d’abandonner les traitements médicaux au moment d’entreprendre le processus de résolution psychique, surtout quand ces traitements sont particulièrement envahissants ou toxiques — ce qui est notamment le cas de la chimiothérapie. Claude Sabbah et les praticiens de la Biologie totale, pour leur part, disent s’opposer à cette recommandation. Toutefois, certains d’entre eux semblent tout de même inciter leurs patients à laisser tomber ou à retarder certains traitements.

Une biologie à décoder

Comme preuve de sa théorie, le Dr Hamer, et les praticiens formés par lui, disent pouvoir identifier sur un cliché du cerveau pris au tomodensitomètre (scanner) la zone précise qui a été marquée par l’émotion traumatisante, zone qui présente alors une anormalité qu’ils appellent « foyer de Hamer »; une fois la guérison bien enclenchée, cette anormalité se dissoudrait. Mais la médecine officielle n’a jamais reconnu l’existence de ces « foyers ».

Le Dr Hamer a également établi une association entre chaque maladie et l’émotion spécifique à son origine; c’est ce qu’il a appelé les « invariants biologiques ».

 

Voici des exemples de ressentis perçus comme impossibles à gérer (les invariants biologiques) ayant été à l’origine de quelques maladies, ainsi que des événements qui pourraient avoir déclenché ces ressentis.

 

 

Maladie

 

 

Exemples de ressentis « ingérables »

 

 

Exemples d’événements déclencheurs

 

 

Cancer de l’utérus

 

 

Dévalorisation de ne pas pouvoir porter un enfant

 

 

Mort prématurée de son propre enfant

 

Cancer de la prostate  

Problème en ce qui a trait aux petits-enfants

 

 

Les enfants ne veulent pas ou ne peuvent pas avoir eux-mêmes d’enfants

 

Cancer des os  

Dévalorisation de soi

 

 

Être constamment diminué par un patron méprisant

 

Diabète  

Résistance combinée à de la répugnance

 

 

Une femme ménopausée qui ne veut plus faire l’amour avec son mari et qui résiste à ses demandes

 

Sclérose en plaques  

Dévalorisation consécutive à une chute verticale

 

 

Perte d’emploi à la suite d’une chute au travail

 

Allergies  

Séparation

 

 

Pour un enfant : séparation brutale à la naissance, déménagement précoce, départ du père, etc.

 

 

Infarctus du myocarde

 

 

Perte du territoire

 

 

Congédiement

 

Tableau inspiré du Langage de la guérison de Jean-Jacques Crèvecoeur (voir Livres, etc.).

 

Mais, selon la théorie, pour guérir, il ne suffit pas de lire sur un tableau que notre maladie découle de telle ou telle angoisse émotionnelle. Encore faut-il retrouver l’événement ou les événements à l’origine du traumatisme, souvent enfouis dans l’inconscient, et d’en faire le « décodage biologique » – ce qui exige, semble-t-il, de travailler avec plusieurs niveaux de conscience, dont le niveau symbolique. Il faut ensuite arriver à assumer ce qui n’avait pas pu l’être dans le passé. Cela représente, on s’en doute, une entreprise exigeante.

Le Dr Sabbah a poursuivi les travaux de Hamer afin d’aider les malades à « déprogrammer » leurs maladies. Il est notamment allé chercher du renfort du côté de la programmation neurolinguistique (PNL) et des théories de l’inconscient de Carl Jung. Il a aussi exploré la psychogénéalogie, l’étude des liens entre l’histoire psychologique des générations antérieures et le vécu émotif d’une personne. D’après cette théorie, certains éléments d’une problématique pourraient avoir été mis en place très tôt dans la vie d’une personne ou même chez ses ancêtres. Il a aussi intégré le concept des Cycles Biologiques Cellulaires Mémorisés du Cerveau, élaboré par le psychologue français Marc Fréchet, qui avait étudié comment certains événements-clés qui semblent laisser une marque biologique se répètent selon un rythme cyclique.

Accueil glacial, critiques et reproches

Comment la théorie de Hamer a-t-elle été reçue par l’intelligentsia médicale? Tellement mal que le protagoniste a été radié à vie de son ordre professionnel (en 1986) et condamné à la prison en 2000 pour pratique illégale de la médecine. Les disciples de Hamer comparent ces poursuites à la persécution qu’avait subie Galilée lorsqu’il avait osé affirmer que la Terre était ronde.

Mais, de façon générale, tout se passe comme si les travaux de Hamer et de Sabbah n’avaient jamais eu lieu et leurs intuitions ou découvertes sont largement méconnues. Quand de rares organismes daignent en parler, c’est pour dénoncer leurs aspects les plus discutables4,5. On leur reproche, entre autres, leur tendance à présenter certaines conclusions particulières comme de vastes vérités absolues. Également, la simplification à outrance de certaines de leurs solutions symboliques ne manque pas de rebuter : on dit par exemple que les jeunes enfants chez qui apparaissent beaucoup de caries dentaires avant l’âge de 10 ans seraient comme des chiots incapables de mordre le gros chien (le maître d’école) qui représente la discipline. Si on leur donne une pomme, qui représente ce personnage et dans laquelle ils peuvent mordre à coeur joie, l’estime d’eux-mêmes est rétablie et le problème se règle6.

On leur reproche aussi de sous-évaluer la complexité multifactorielle de la mise en place d’une maladie quand ils affirment qu’il y a toujours un seul et unique déclencheur. Et dans certains cas, d’opposer si radicalement leur approche à la médecine classique, que des patients pourraient en venir à cesser leurs traitements médicaux et courir de sérieux risques. Quant à l’« obligation » pour les malades de trouver en eux la cause de la maladie et de régler un conflit émotionnel bien ancré, elle provoquerait chez plusieurs un sentiment de panique et une culpabilité débilitante. « L’échec de la Déprogrammation Biologique peut être celui du thérapeute qui n’a pas trouvé l’origine du conflit; il peut être aussi celui du patient qui n’arrive pas à lâcher son conflit », dit Claude Sabbah7. Interrogé au sujet de la Biologie totale, le psychiatre David Servan-Schreiber, auteur du livre à succès Guérir, affirme que ce n’est « jamais une bonne chose de faire porter au malade la « responsabilité » de sa maladie »8.

Malgré ces critiques substantielles, le Dr Jean-Charles Crombez croit pour sa part qu’il s’agit là d’une avancée pour la science; rappelons que le Dr Crombez – psychiatre, analyste et psychosomaticien – est l’instigateur de l’Approche ECHO9, un « processus de changement » utilisé notamment par les personnes atteintes de maladies graves, dont le cancer. « Avec le travail de Hamer et de Sabbah, dit-il, c’est comme si on avait placé une loupe sur le processus de la maladie, nous donnant à voir les choses de plus près. Ils ont certainement trouvé quelques-uns des chaînons qui manquaient à la psychosomatique. Bien sûr, l’approche est encore jeune, mais il ne faut pas se laisser rebuter par les irritants : tout compte fait, ce sont des éléments d’ordre secondaire. Je crois que l’essentiel du travail en psychosomatique est d’enseigner des outils aux malades pour leur permettre de travailler sur eux-mêmes; or, si l’on fait fi de son obsession de trouver une cause et une seule aux maladies, le décodage biologique pourrait jouer ce rôle. »10

 

Attention

 

 

Même si plusieurs adeptes et praticiens manifestent parfois une confiance en leur méthode qui relève presque de la pensée magique, d’autres affirment que le processus de guérison est souvent d’une complexité telle que la prudence devrait s’imposer. Sans parler des enjeux psychologiques en cause. Voici à ce sujet une mise en garde de Jean-Jacques Crèvecoeur, lui-même un fervent partisan de la Biologie totale :

 

 

« Malgré une avancée extraordinaire sur le plan théorique, je suis obligé de constater que tout reste à faire en ce qui concerne la méthodologie thérapeutique. Je suis personnellement inquiet de voir tous ces gens pleins de bonne volonté, ayant suivi une formation en décodage biologique, se lancer directement comme thérapeutes, sans connaissance médicale ou physiologique, sans expérience de l’accompagnement psychologique, sans formation thérapeutique. Accompagner quelqu’un sur son chemin de guérison nécessite un énorme bagage théorique et une vaste culture générale. Cela suppose aussi une connaissance et une pratique des processus permettant au patient de retrouver son équilibre vital, d’aller puiser dans son propre potentiel de guérison et d’échapper à tous les pièges inconscients qui jalonnent son parcours vers la santé. »12

Parmi les 670 000 publications scientifiques biomédicales répertoriées par PubMed à ce jour, on n’en trouve aucune évaluant les vertus particulières de la Biologie totale chez l’humain. Une seule publication11 traite de la théorie de Hamer, mais seulement de façon générale. Nous ne pouvons donc conclure à son efficacité dans les différentes utilisations mentionnées jusqu’à maintenant.

Section Applications thérapeutiques
Recherche, rédaction et révision scientifique 
: Dr Sylvie Dodin, M.D., M. Sc. et Claudine Blanchet, Ph. D., Chaire en approche intégrée en santé, Université Laval.
(octobre 2008)