Article de France Info (27 08 2017)

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Elles sont 50 000 fois plus petites qu’un cheveu. Encore peu connues, les nanoparticules et leurs effets sur la santé inquiètent. Le magazine 60 millions de consommateurs a révélé, jeudi 24 août, qu’elles étaient présentes sous forme d’additifs dans plusieurs sucreries, sans être pourtant signalées sur les étiquettes des produits concernés. Du dioxyde de titane (E171) sous forme de nanoparticules a ainsi été retrouvé dans les dix-huit aliments testés par l’association, représentant parfois jusqu’à 100% des additifs utilisés. Franceinfo résume ce qu’il faut savoir sur ce qui pourrait être, selon certains chercheurs, un nouveau « scandale sanitaire ».

C’est quoi, les nanoparticules ?

Les nanoparticules sont « des petites particules de matière » (argent, carbone, titane…) qui tirent leur nom de leur taille minuscule : entre 1 et 100 nanomètres (un nanomètre valant un millionième de millimètre), explique Damien Baigl, chercheur au département de chimie de l’Ecole normale supérieure. Mais si les substances qui les composent semblent inoffensives lorsqu’elles sont de plus grande taille, elles peuvent devenir toxiques dès lors qu’elles sont « nano », estime l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses).

Il existe trois types de nanomatériaux, relève l’Association de veille et d’information civique sur les enjeux des nanotechnologies et des nanosciences (Avicenn). Premièrement, les nanoparticules naturelles, présentes dans les poussières d’érosion, d’éruption volcanique ou les embruns marins. Deuxième type, les nanoparticules incidentelles, produites « involontairement » dans les fumées émanant des moteurs diesel, des grille-pain ou des fours. Enfin, les nanomatériaux manufacturés, produits par l’être humain, et qui intègrent volontairement des éléments en quantité nanométrique. Ce sont ces derniers qui font l’objet de critiques et d’inquiétudes, à cause de leurs effets sur l’être humain et l’environnement.

Ça sert à quoi ?

« La plupart des nanoproduits aujourd’hui sur le marché offrent des avantages dus à l’adjonction de poudres nanoparticulaires qui leur confèrent de nouvelles propriétés », explique l’Avicenn. Au niveau industriel, ces dernières sont « perçues comme des opportunités dans de nombreux domaines d’application. » Le dioxyde de titane (E171) est par exemple utilisé dans les produits cosmétiques et alimentaires pour blanchir et rendre les produits brillants. Une crème solaire contenant des nanoparticules de dioxyde de titane sera plus transparente qu’une crème « classique », ce qui évite les dépôts blancs sur la peau. Un bon argument de vente.

Les nanomatériaux ont ainsi une foule d’avantages, pas fondamentaux, mais bien pratiques pour les industriels : élimination des bactéries et des odeurs pour le nanoargent, résistance et légèreté pour les nanotubes de carbone, effet fluidifiant pour les nanosilices à usage alimentaire… 

C’est quoi le problème ?

Crèmes solaires, dentifrices, textiles, plats préparés, peintures… Les nanomatériaux manufacturés sont présents dans beaucoup de produits de consommation courante. Mais leur effet est encore peu connu, particulièrement lorsqu’ils sont ingérés. « On commence tout juste à s’intéresser aux nanoparticules dans les aliments. C’est le parent pauvre de la recherche sur les nanoparticules », prévient Patricia Chairopoulos, journaliste à 60 Millions de consommateurs.

Pourtant, certains additifs à base de nanoparticules sont autorisés dans nos assiettes, quitte à flirter parfois avec les règles. Le magazine 60 Millions de consommateurs vient ainsi de révéler que du dioxyde de titane était présent sous forme de nanoparticules dans des sucreries, sans que cela soit spécifié sur l’étiquette. En juin 2016, l’ONG Agir pour l’environnement avait déjà alerté sur la présence du dioxyde de titane dans de nombreux produits alimentaires, notamment dans plus d’une centaine de confiseries où ils n’étaient pas signalés.

On ne révèle pas nécessairement une infraction à la loi, mais un manque de transparence criant des industriels.Patricia Chairopoulos, « 60 Millions de consommateurs »à franceinfo

Et c’est dangereux, tout ça ?

Une substance a priori inoffensive peut devenir toxique si elle est utilisée en quantité infime, comme dans les nanomatériaux, explique l’Anses. A taille réduite, les particules développent de nouvelles propriétés physico-chimiques, car cette taille « leur confère une surface de réaction plus grande que le même matériau non nanométrique », précise le site de l’Avicenn

Le problème est qu’en raison de leur taille, les nanoparticules et leurs nouvelles propriétés « franchissent bien plus aisément nos barrières physiologiques », détaille à franceinfo Magali Ringoot, porte-parole de l’association Agir pour l’environnement, qui alerte sur leur danger. « Les nanoparticules présentes dans notre alimentation pénètrent la paroi intestinale et se retrouvent dans le placenta, le foie, les poumons, le cerveau… » Or, différentes études ont montré qu’une fois dans l’organisme, les nanoparticules peuvent avoir un effet inflammatoire pulmonaireaffaiblir le système immunitaire ou, chez les rats, favoriser l’apparition de lésions cancéreuses

Les nanomatériaux sont très présents dans les produits sucrés. Les enfants sont donc en première ligne, alors que leur organisme est en plein développement.Magali Ringoot, Agir pour l’environnementà franceinfo

Depuis la publication de cette dernière étude, les ministères de l’Economie, de la Santé et de l’Agriculture ont demandé à l’Anses de mener sa propre enquête. Celle-ci a reconnu que « des effets qui n’avaient pas été identifiés auparavant () promoteurs de la cancérogenèse du E171″ avaient été « mis en évidence » et demandaient « des expérimentations complémentaires ». Le dioxyde de titane, quand il est inhalé (et non ingéré) est d’ailleurs classé comme cancérogène possible pour l’homme par le Centre international de recherche sur le cancer.

Que dit la loi ?

Par défaut, l’utilisation des nanomatériaux est couverte par le règlement européen Reach sur les substances chimiques. Mais ils « sont mis sur le marché (…) sans enregistrement préalable ni suivi »affirme l’Avicenn. En cause, le seuil à partir duquel s’appliquent les obligations de Reach (plus d’une tonne de produits par an), alors que les nanoparticules sont produites et utilisées en faible quantité. Deuxième problème : le règlement Reach ne prend en compte que la composition des substances chimiques – et non leur taille, leur structure ou la manifestation de nouvelles propriétés, plus importantes dans le cas des nanoparticules.

Les industriels utilisent les failles de la réglementation européenne, en assurant qu’ils ne sont pas au courant de la composition des additifs qu’ils ajoutent à leurs produits, ou en profitant d’un effet de seuil en deçà duquel les réglementations ne s’imposent pas.Patricia Chairopoulos, « 60 Millions de consommateurs »à franceinfo

Une obligation d’étiquetage des produits cosmétiques et alimentaires contenant des nanomatériaux s’impose depuis 2013 dans l’Union européenne. La règle prévoit que le terme « nano » soit indiqué sur l’étiquette entre crochets, après le nom de l’ingrédient. Dans le cas du dioxyde de titane, on devrait par exemple lire : « Titanium dioxyde [nano] ». Mais la règle est loin d’être respectée, comme viennent encore de le montrer les tests conduits par 60 Millions de consommateurs.

Depuis 2013, la France, suivie par d’autres pays européens, impose en outre aux entreprises et laboratoires de déclarer les substances à l’état nanoparticulaire fabriquées, importées ou mises sur le marché français. Le tout est disponible dans un répertoire géré par l’Anses.

Que réclament les opposants aux nanomatériaux ?

En juillet 2017, huit ONG ont adressé une lettre ouverte au gouvernement demandant « la mise en place urgente de mesures de précaution » concernant les nanomatériaux, du fait des « risques pour la santé et pour l’environnement » qu’ils présentent. Ces organisations demandaient l’imposition d’un moratoire, pour « interdire temporairement les nanoparticules de dioxyde de titane présentes dans le colorant E171 ».

« On est en plein dans le cadre du principe de précaution, avance Magali Ringoot, porte-parole d’Agir pour l’environnement. D’un côté, on a des études scientifiques qui s’accumulent et qui sont gravement alarmantes. De l’autre, on peut se poser la question du rapport bénéfice-risque : pour le consommateur, l’utilisation des nanoparticules dans l’alimentation est purement esthétique. »

Ce n’est pas aux journalistes et aux associations de faire les contrôles, mais aux industriels.Patricia Chairopoulos, « 60 Millions de consommateurs »à franceinfo

« Ce qu’on souhaite, c’est que la réglementation européenne soit précisée pour mieux tenir compte des nanoparticules, et que les fournisseurs d’additifs testent leurs produits, explique Patricia Chairopoulos, de 60 Millions de consommateurs. Il faut aussi qu’ils soient sanctionnés en cas de non-respect des règles. »

Comment faire si je veux éviter d’en avaler ?

L’étude réalisée par 60 Millions de consommateurs a de quoi inquiéter. De nombreux aliments contiennent des nanoparticules, mais il est souvent difficile de les repérer. Des inventaires de produits existent, mais leur fiabilité est limitée car ils sont élaborés à partir de déclarations faites par les industriels. Une liste de ces produits est disponible sur le site de l’Avicenn.

La meilleure solution reste d’essayer de retenir les noms des nanoparticules les plus fréquentes et de les « traquer » sur les étiquettes, conseille Magali Ringoot. A savoir : le dioxyde de titane (E171) et le dioxyde de silicium (E551). 

Votre article est trop long, vous me faites un résumé ? 😉

Le magazine 60 millions de consommateurs a révélé, jeudi 24 août, que des nanoparticules étaient présentes sous forme d’additifs dans dix-huit sucreries vendues en magasin, sans que cela soit signalé sur les étiquettes. Or, la réglementation européenne oblige les industriels à indiquer sur celles-ci la présence de nanomatériaux, constitués de petites particules de matière (argent, carbone, titane…) dont la taille est comprise entre 1 et 100 nanomètres.

Car si ces substances semblent a priori inoffensives quand elles se trouvent sous une forme plus grande, elles peuvent devenir toxiques si elles ne mesurent que quelques millionièmes de millimètres, estime l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses). Des études montrent qu’elles peuvent ainsi avoir un effet inflammatoire pulmonaire et affaiblir le système immunitaire. En attendant de plus amples études, des associations réclament leur interdiction temporaire en France.