Carte mondiale des maladies émergentes

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La première carte mondiale des maladies émergentes

Même si de nouveaux vecteurs infectieux continuent d’apparaître partout dans le monde, une étude montre qu’il existe des régions propices à l’apparition de nouveaux microbes.

Par Yves Miserey

L’apparition du sida au début des années 1980, du virus Nipah en 1998, du sras en 2003 ou de la grippe aviaire plus récemment a fait des maladies émergentes une problématique majeure de santé publique. Mais ces nouvelles pathologies infectieuses n’ont pour l’instant été étudiées qu’au cas par cas. La première carte mondiale des maladies émergentes est toute récente. Elle a été publiée la semaine dernière dans la revue Nature*.

L’équipe dirigée par Kate Jones, de l’Institut de zoologie de Londres (Royaume-Uni), a décortiqué les données concernant 335 maladies émergentes pour la période allant de 1940 à 2004. Les chercheurs ont pu ainsi montrer que, contrairement à ce que l’on croyait jusque-là, plus de la moitié des vecteurs pathogènes sont des bactéries ou des rickettsies (des parasites présents chez les arthropodes) et que les virus ou prions ne sont à l’origine que d’un quart des maladies, le reste étant constitué par des protozoaires, des vers et des champignons. Ils ont pu confirmer aussi que les maladies émergentes ont connu un pic au cours des années 1980 et que la majorité d’entre elles (60 % en tout) sont des maladies zoonoses, autrement dit sont transmises par les animaux sauvages. Même si la courbe cesse de grimper aujourd’hui, elles ont quasiment quadruplé durant ces cinquante dernières années. Ce pic serait dû, selon les auteurs, à l’apparition du sida, qui a frappé et fragilisé un grand nombre de personnes.

 

Deux grands milieux favo­rables

Kate Jones et son équipe ont également cerné les régions à risque. En étudiant de près les conditions sociales, géographiques, climatiques et écologiques dans lesquelles elles ont brutalement émergé, ils ont pu distinguer deux grands milieux favo­rables à l’émergence de nouveaux pathogènes pour l’homme. D’une part, les pays tropicaux en développement où une forte pression démographique amène les hommes à côtoyer une faune sauvage très riche et diversifiée. Les zones les plus à risque sont à cet égard l’Asie du Sud-Est dans sa totalité, le sous-continent indien, le delta du Niger et la région des Grands Lacs en Afrique. Dans ces régions, les chercheurs appellent à la mise en ­place de politiques de conservation efficaces qui permettent de protéger les milieux naturels des incursions de l’homme.

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L’autre grand foyer est constitué par les pays riches où l’utilisation massive des antibiotiques a favorisé l’apparition de souches bactériennes résistantes, le plus connu étant le staphylocoque doré, résistant à la vancomycine. Mais ce phénomène touche aussi les pays du Sud où le virus du paludisme a, lui aussi, développé des résistances à la chloroquine. Quelque 20 % des maladies émergentes ont pour origine des résistances aux traitements, ont calculé les chercheurs.

 

«Toutes ces informations montrent qu’il faut dès maintenant cibler la surveillance contre les maladies infectieuses, souligne Mark Woolhouse, de l’université d’Édimbourg (Royaume-Uni), dans son commentaire de l’étude. Les bénéfices ne seraient pas seulement ressentis localement. Avec la globalisation, les maladies émergentes sont l’affaire de tous.»

*Nature, 21 février 2008.