Effets et méfaits de la matière !



Francis Cousin, né en 1957, est un écrivain, docteur en philosophie et philo-analyste1 français. Il a toujours auto-édité ses textes ou les a fait publier au Retour aux sources.

Durant les années 1970, il a appartenu à la Fédération Anarchiste notamment au groupe Commune de Kronstadt  au nom duquel il a rédigé de nombreux articles pour le Monde Libertaire d’alors2 . Puis il a rejoint le groupe Pour une intervention communiste ( Jeune Taupe )3 . Depuis, il s’est toujours inscrit dans la lutte communiste pour un monde sans argent ni État. Le caractère anti-dogmatique de son parcours et sa passion pour les livres l’ont toujours placé sur le chemin des amitiés plurielles puisqu’il fut notamment l’ami du journaliste Emmanuel Ratier dont les positions étaient pourtant aux antipodes des siennes.

Rappelant que l’anti-complotisme est le pire produit du complotisme, il souligne à la suite de Marx que la marchandise est la plus grande conjuration historique contre l’humanité. Il se présente comme « philosophe praticien du logos radical », c’est-à-dire intervenant au regard d’une réalité rationnelle qui n’est rien d’autre que la rationalité même du réel en son mouvement d’auto-déploiement conscient d’intentionnalité insubordonnable ( l’univers du logos est le logos de l’univers!). 

Pensée et théorie 

Francis Cousin se prétend héritier des courants critiques issus de la Première Internationale qui, à partir de Karl Marx et en récusation de toutes les droites et de toutes les gauches du Capital, ont toujours fermement rappelé la nécessité de l’abolition de l’argent, du salariat et de l’État, dans la perpétuation de l’extrémisme anti-étatique et anti-mercantile qui va de la Commune de Paris en 1871 à toutes les Communes qui ont suivi, de Berlin en 1919, de Kronstadt en 1921 et de Budapest en 1956 en passant par celle de Barcelone en 1936-37 jusqu’à la grève sauvage incontrôlable de Mai 68.

Par principe, il se prête à tout débat, il accepte toute invitation pour rappeler – dans le cadre d’un dialogue ouvert – qu’il récuse toutes les fractions capitalistes, de l’extrême droite à l’extrême gauche de la marchandise…A la suite de Marx, il insiste sur le fait qu’il ne convient pas de réformer l’économie politique de la servitude mais qu’il faut radicalement détruire toutes les domestications de l’économie et de la politique…

Ses recherches « anti-dogmatiques » qui s’inscrivent dans une trajectoire qui va des pré-socratiques jusqu’à Guy Debord en passant par Hegel, traitent essentiellement de la contradiction ontologique fondamentale (Être contre Avoir) qui traverse toute l’histoire de l’humanité depuis la révolution néolithique jusqu’à la réalisation contemporaine de ce qu’il nomme « la dictature démocratique de la marchandise absolue ». À rebours de la normalisation universitaire, il oppose ainsi à la philosophie de connivence avec le système des interrogations factices du commerce de la Cité qui va de Socrate à Kant une philosophie de rupture qui, à partir de Hegel retrouvant Héraclite et Parménide, permit à Marx, au moment des grandes fractures historiques issues de la révolution capitaliste de 1789, de ressaisir la pleine complétude organique et subversive du monde comme totalité non scindée dont l’unité primordiale s’est perdue lorsque les sociétés de l’avoir se sont substituées aux communautés de l’être. Ce qui implique l’intégrale dénonciation des faux savoirs nés de l’absolutisme scientifique des progrès de la marchandisation laquelle déchire la vie en un ensemble chosifié de sphères particulières qui capturent l’existence au seul nom de la dictature réifiante des diverses expériences reproductibles de la mesure et de la quantité rentables.

Il anime notamment un cabinet de philo-analyse1 dont l’objet, à l’inverse de ce qu’il désigne comme les disciplines psychologique, psychanalytique et psychiatrique de la modernité carcérale capitaliste, n’est pas de restructurer les malaises aliénatoires du spectacle du paraître et de la possession mais d’aider à ouvrir le chemin d’une parole dé-liéequi puisse retrouver le véritable sens des profondeurs de l’authenticité de l’être – clairement dé-voilé – en négation active des illusions, angoisses et mystifications civilisationnelles du marché des échanges narcissiques. 

Il a durant des années, dans la trajectoire du communisme de conseils et du situationnisme, produit de nombreux textes – de manière anonyme ou collective – dans le cadre de groupes se réclamant à la suite de Marx premier critique du marxisme, d’une récusation radicale de tous les capitalismes envisageables ( libéraux, étatistes, bolchéviques, tiers-mondistes, néo-identitaires, socio-écologistes ou dé-croissantistes…) et au nom d’une communauté humaine universelle abolissant le cosmopolitisme autocratique de la marchandise. On peut en retrouver un certain nombre sur Internet signés de Gustave Lefrançais ou de L’Internationale.

Un autre monde Modifier

Francis Cousin déclare s’attacher essentiellement à dénoncer toutes les mystifications étatiques du fétichisme de la marchandise en signalant que l’auto-émancipation humaine impliquera le refus complet et absolu de tous les rackets gouvernementalistes dans la nécessaire liquidation de l’assujettissement économique et du dressage politique. Il revient aussi sur la question du terrorisme contemporain 7 en montrant en quoi ce dernier est l’expression directe des services secrets du gouvernement mondial de la marchandise en crise accélérée, dans leur mode de gestion du chaos universel de la baisse du taux de profit et dans le théâtre chimérique des grandes diversions planétaires organisées par la liberté despotique du rendement. Ce faisant, il prolonge après la Société du spectacle, la perspective si bien caractérisée des Commentaires sur la société du spectacle quant à cette incontournable évidence que l’industrie terroriste de masse constitue assurément l’un des vecteurs stratégiques majeurs de l’accumulation capitaliste de notre temps. De même et à partir de toutes les prévisions distinctement posées par Marx quant à l’irrémédiabilité de la crise finale du Capital, Francis Cousin, démontre que dès lors qu’il est devenu le Tout totalitaire du monde, le mode de production capitaliste ne peut plus être condamné qu’à s’abîmer de plus en plus en ce Rien qui repousse fallacieusement les échéances et qui malgré les boucheries planétaires et les reconstructions trompeuses qui s’ensuivent et nonobstant tous les spectacles de manipulations monétaires et terroristes, est irréparablement condamné à produire l’auto-invalidation historique de son propre produire.

En négation de l’ensemble des totems et tabous du monde de l’inversion totalitaire, il rappelle souvent que contre tous les enfermements des pathologies policières et idéologiques de la conscience fausse, la pensée insurrectionnaireauthentique balaye tous les internements de l’enclosure de la loi de la valeur en allant en tout lieu, se confronter méthodiquement et imperturbablement à tout le monde…C’est pourquoi, il a pour spécificité d’accepter toute rencontre et tout débat avec quiconque quel que soit le lieu idéologique d’où il vienne (de l’extrême droite à l’extrême gauche du Capital !) pour précisément engager à aller foncièrement au-delà de toutes les séquestrations et domestications qui entendent compartimenter l’humain dans les diverses claustrations possibles de la gestion scientifique de la société spectaculaire de la technologie capitaliste… Dès lors, Il fait constamment ressortir toute l’importance des luttes maximalistes et multi-séculaires qui virent sans cesse l’être communautaire et générique de l’humain s’opposer à l’emprise oppressive des forces productives du calcul et de l’acquisition dans cette optique séditieuse d’enfin pouvoir réaliser la communauté humaine véridique laquelle ne sera dialectiquement elle-même qu’en tant que résultat accompli de l’activité historique du prolétariat actuel s’auto-supprimant révolutionnairement dans la continuité insoumise et poursuivie des luttes paysannes communeuses de naguère.

Francis Cousin récuse tous les délires de création personnelle égotiste. Il estime que tout ce qui est véridiquement appréciable a déjà été dit ou écrit depuis longtemps et que tout ce qui se rédige dans l’édition onaniste du vide contemporain est de nul intérêt. En conséquence, il se veut simplement homme de transmission impersonnelle du mouvement réel concrètement existant.Il vise donc principalement à attirer l’attention sur le fait décisif que les écrits fondamentaux de Marx et Engels ( Manuscrits de 1844, Sur la Question juive, L’Idéologie allemande, Grundrisse, Introduction à la critique de l’économie politique, Le Capital, Critique du programme de Gotha et L’Origine de la famille, de la propriété privée et de l’État…) qui renvoient au fondement de l’être de LÊtre ne prennent leur véritable signification historique qu’aujourd’hui puisque c’est seulement maintenant que le mode de production capitaliste a totalement réalisé sa domination mondiale jusqu’à ce point crisique intégral et cataclysmique où il va cesser dorénavant de pouvoir justement continuer à se réaliser comme monde de la domination totale.

Pour saisir synthétiquement de quelle manière, Francis Cousin peut entrevoir une autre vie possible, l’on se reportera à ce texte Thèses sur la fabrication capitaliste de la soumission politique, l’émancipation humaine, l’économie de la crise spectaculaire et la crise de l’économie spectaculaire…3

Bibliographie 

  • Le mouvement communiste de l’histoire : Perspective d’une définition et définition d’une perspective, thèse de 3e cycle : Philosophie, Paris 10, 1986 avec pour directeur de thèse : Georges Labica. 
  • Véridique Rapport Sur Les Dernières Nécessités De Préservation Et D’extension De La Domination Américaine Sur Le Monde – Du terrorisme et de l’Etat en leur contexte général ou comment Washington est à la Genèse opérationnelle des attentats du 11 septembre 2001 et de tous ceux qui ont suivi, dans le cadre d’une appropriation recherchée des ressources pétrolières mondiales et d’abord irakiennes, éditions Samizdat, collectif signe cet ouvrage sous le nom de « Terror », 2003, 108 p. 
  • Critique de la Société de l’Indistinction – Commentaires sur le fétichisme marchand et la dictature démocratique de son spectacle, éditions Révolution Sociale, collectif signe cet ouvrage sous le nom de “l’internationale” avec Gustave Lefrançais (Francis Cousin), 2007, 194 p4,5.
  • L’Être contre l’Avoir : Pour une critique radicale et définitive du faux omniprésent…, Le retour aux sources, Paris, 2012, 328 p. (ISBN 9782355120473) (ISBN 2355120471)6,7.
  • Commentaires sur l’extrême radicalité des temps derniers : Critique de la dictature démocratique du spectacle de la marchandise terminale…, Le retour aux sources, Paris, 2016, 440p.

René Guénon : Caïn et Abel.

 

La « solidification » du monde a encore, dans l’ordre humain et social, d’autres conséquences dont nous n’avons pas parlé jusqu’ici : elle engendre, à cet égard, un état de choses dans lequel tout est compté, enregistré et réglementé, ce qui n’est d’ailleurs, au fond, qu’un autre genre de « mécanisation » ; il n’est que trop facile de constater partout, à notre époque, des faits symptomatiques tels que, par exemple, la manie des recensements (qui du reste se relie directement à l’importance attribuée aux statistiques) (1), et d’une façon générale, la multiplication incessante des interventions administratives dans toutes les circonstances de la vie, interventions qui doivent naturellement avoir pour effet d’assurer une uniformité aussi complète que possible entre les individus, d’autant plus que c’est en quelque sorte un « principe » de toute administration moderne de traiter ces individus comme de simples unités numériques toutes semblables entre elles, c’est-à-dire d’agir comme si, par hypothèse, l’uniformité « idéale » était déjà réalisée, et de contraindre ainsi tous les hommes à s’ajuster, si l’on peut dire, à une même mesure « moyenne ». D’autre part, cette réglementation de plus en plus excessive se trouve avoir une conséquence fort paradoxale : c’est que, alors qu’on vante la rapidité et la facilité croissantes des communications entre les pays les plus éloignés, grâce aux inventions de l’industrie moderne, on apporte en même temps tous les obstacles possibles à la liberté de ces communications, si bien qu’il est souvent pratiquement impossible de passer d’un pays à un autre, et qu’en tout cas cela est devenu beaucoup plus difficile qu’au temps où il n’existait aucun moyen mécanique de transport. C’est encore là un aspect particulier de la « solidification » : dans un tel monde, il n’y a plus de place pour les peuples nomades qui jusqu’ici subsistaient encore dans des conditions diverses, car ils en arrivent peu à peu à ne plus trouver devant eux aucun espace libre, et d’ailleurs on s’efforce par tous les moyens de les amener à la vie sédentaire (2), de sorte que, sous ce rapport aussi, le moment ne semble plus très éloigné où « la roue cessera de tourner »; par surcroît, dans cette vie sédentaire, les villes, qui représentent en quelque sorte le dernier degré de la « fixation », prennent une importance prépondérante et tendent de plus en plus à tout absorber (3) ; et c’est ainsi que, vers la fin du cycle, Caïn achève véritablement de tuer Abel.

(1) Il y aurait beaucoup à dire sur les interdictions formulées dans certaines traditions contre les recensements, sauf dans quelques cas exceptionnels ; si l’on disait que ces opérations et toutes celles de ce qu’on appelle l’« état civil » ont, entre autres inconvénients, celui de contribuer à abréger la durée de la vie humaine (ce qui est d’ailleurs conforme à la marche même du cycle, surtout dans ses dernières périodes), on ne serait sans doute pas cru, et pourtant, dans certains pays, les paysans les plus ignorants savent fort bien, comme un fait d’expérience courante, que si l’on compte trop souvent les animaux, il en meurt beaucoup plus que si l’on s’en abstient ; mais évidemment, aux yeux des modernes soi-disant « éclairés », ce ne peuvent être là que des « superstitions ».

(2) On peut citer ici, comme exemples particulièrement significatifs, les projets « sionistes » en ce qui concerne les Juifs, et aussi les tentatives faites récemment pour fixer les Bohémiens dans certaines contrées de l’Europe orientale.

(3) Il faut d’ailleurs rappeler à ce propos que la « Jérusalem céleste » elle-même est symboliquement une « ville », ce qui montre que, là encore, il y a lieu d’envisager, comme nous le disions plus haut, un double sens de la «solidification».

En effet, dans le symbolisme biblique, Caïn est représenté avant tout comme agriculteur, Abel comme pasteur, et ils sont ainsi les types des deux sortes de peuples qui ont existé dès les origines de la présente humanité, ou du moins dès qu’il s’y est produit une première différenciation : les sédentaires, adonnés à la culture de la terre ; les nomades, à l’élevage des troupeaux (4). Ce sont là, il faut y insister, les occupations essentielles et primordiales de ces deux types humains ; le reste n’est qu’accidentel, dérivé ou surajouté, et parler de peuples chasseurs ou pêcheurs, par exemple, comme le font communément les ethnologues modernes, c’est ou prendre l’accidentel pour l’essentiel, ou se référer uniquement à des cas plus ou moins tardifs d’anomalie et de dégénérescence, comme on peut en rencontrer en fait chez certains sauvages (et les peuples principalement commerçants ou industriels de l’Occident moderne ne sont d’ailleurs pas moins anormaux, quoique d’une autre façon) (5). Chacune de ces deux catégories avait naturellement sa loi traditionnelle propre, différente de celle de l’autre, et adaptée à son genre de vie et à la nature de ses occupations ; cette différence se manifestait notamment dans les rites sacrificiels, d’où la mention spéciale qui est faite des offrandes végétales de Caïn et des offrandes animales d’Abel dans le récit de la Genèse (6). Puisque nous faisons plus particulièrement appel ici au symbolisme biblique, il est bon de remarquer tout de suite, à ce propos, que la Thora hébraïque se rattache proprement au type de la loi des peuples nomades : de là la façon dont est présentée l’histoire de Caïn et d’Abel qui, au point de vue des peuples sédentaires, apparaîtrait sous un autre jour et serait susceptible d’une autre interprétation ; mais d’ailleurs, bien entendu, les aspects correspondant à ces deux points de vue sont inclus l’un et l’autre dans son sens profond, et ce n’est là en somme qu’une application du double sens des symboles, application à laquelle nous avons du reste fait une allusion partielle à propos de la « solidification », puisque cette question, comme on le verra peut-être mieux encore par la suite, se lie étroitement au symbolisme du meurtre d’Abel par Caïn. Du caractère spécial de la tradition hébraïque vient aussi la réprobation qui y est attachée à certains arts ou à certains métiers qui conviennent proprement aux sédentaires, et notamment à tout ce qui se rapporte à la construction d’habitations fixes ; du moins en fut-il effectivement ainsi jusqu’à l’époque où précisément Israël cessa d’être nomade, tout au moins pour plusieurs siècles, c’est-à-dire jusqu’au temps de David et de Salomon et l’on sait que pour construire le Temple de Jérusalem il fallut encore faire appel à des ouvriers étrangers.

(4) On pourrait ajouter que, Caïn étant désigné comme l’aîné, l’agriculture semble avoir par là une certaine antériorité, et en fait, Adam lui-même, dès avant la « chute » est représenté comme ayant pour fonction de « cultiver le jardin », ce qui d’ailleurs se réfère proprement à la prédominance du symbolisme végétal dans la figuration du début du cycle (d’où une « agriculture » symbolique et même initiatique, celle-là même que Saturne, chez les Latins, était dit aussi avoir enseignée aux hommes de l’« âge d’or »; mais quoi qu’il en soit, nous n’avons à envisager ici que l’état symbolisé par l’opposition (qui est en même temps un complémentarisme) de Caïn et d’Abel, c’est-à-dire celui où la distinction des peuples en agriculteurs et pasteurs est déjà un fait accompli.

(5) Les dénominations d’Iran et de Turan, dont on a voulu faire des désignations de races, représentent en réalité respectivement les peuples sédentaires et les peuples nomades ; Iran ou Airyana vient du mot arya (d’où ârya par allongement), qui signifie « laboureur » (dérivé de la racine ar, qui se retrouve dans le latin arare, arator, et aussi aryum, « champ ») ; et l’emploi du mot ârya comme désignation honorifique (pour les castes supérieures) est, par suite, caractéristique de la tradition des peuples agriculteurs.

(6) Sur l’importance toute particulière du sacrifice et des rites qui s’y rapportent dans les différentes formes traditionnelles, voir Frithjof Schuon, Du Sacrifice, dans la revue Études Traditionnelles, n° d’avril 1938, et A. K. Coomaraswamy, Atmayajna : Self-sacrifice, dans le Harvard Journal of Asiatic Studies, n° de février 1942.

(7) La fixation du peuple hébreu dépendait d’ailleurs essentiellement de l’existence même du Temple de Jérusalem; dès que celui-ci est détruit, le nomadisme reparaît sous la forme spéciale de la « dispersion ».

Ce sont naturellement les peuples agriculteurs qui, par là même qu’ils sont sédentaires, en viennent tôt ou tard à construire des villes ; et en fait, il est dit que la première ville fut fondée par Caïn lui-même ; cette fondation n’a d’ailleurs lieu que bien après qu’il a été fait mention de ses occupations agricoles, ce qui montre bien qu’il y a là comme deux phases successives dans le « sédentarisme », la seconde représentant, par rapport à la première, un degré plus accentué de fixité et de « resserrement » spatial. D’une façon générale, les œuvres des peuples sédentaires sont, pourrait-on dire, des œuvres du temps : fixés dans l’espace à un domaine strictement délimité, ils développent leur activité dans une continuité temporelle qui leur apparaît comme indéfinie. Par contre, les peuples nomades et pasteurs n’édifient rien de durable, et ne travaillent pas en vue d’un avenir qui leur échappe ; mais ils ont devant eux l’espace qui ne leur oppose aucune limitation mais leur ouvre au contraire constamment de nouvelles possibilités. On retrouve ainsi la correspondance des principes cosmiques auxquels se rapporte, dans un autre ordre, le symbolisme de Caïn et d’Abel : le principe de compression, représenté par le temps ; le principe d’expansion, par l’espace (8). À vrai dire, l’un et l’autre de ces deux principes se manifestent à la fois dans le temps et dans l’espace, comme en toutes choses, et il est nécessaire d’en faire la remarque pour éviter des identifications ou des assimilations trop « simplifiées », ainsi que pour résoudre parfois certaines oppositions apparentes ; mais il n’en est pas moins certain que l’action du premier prédomine dans la condition temporelle, et celle du second dans la condition spatiale. Or le temps use l’espace, si l’on peut dire, affirmant ainsi son rôle de « dévorateur »; et de même, au cours des âges, les sédentaires absorbent peu à peu les nomades : c’est là, comme nous l’indiquions plus haut, un sens social et historique du meurtre d’Abel par Caïn. L’activité des nomades s’exerce spécialement sur le règne animal, mobile comme eux ; celle des sédentaires prend au contraire pour objets directs les deux règnes fixes, le végétal et le minéral. D’autre part, par la force des choses, les sédentaires en arrivent à se constituer des symboles visuels, images faites de diverses substances mais qui, au point de vue de leur signification essentielle, se ramènent toujours plus ou moins directement au schématisme géométrique, origine et base de toute formation spatiale. Les nomades, par contre, à qui les images sont interdites comme tout ce qui tendrait à les attacher en un lieu déterminé, se constituent des symboles sonores, seuls compatibles avec leur état de continuelle migration (10). Mais il y a ceci de remarquable, que parmi les facultés sensibles, la vue a un rapport direct avec l’espace, et l’ouïe avec le temps : les éléments du symbole visuel s’expriment en simultanéité, ceux du symbole sonore en succession ; il s’opère donc dans cet ordre une sorte de renversement des relations que nous avons envisagées précédemment, renversement qui est d’ailleurs nécessaire pour établir un certain équilibre entre les deux principes contraires dont nous avons parlé, et pour maintenir leurs actions respectives dans les limites compatibles avec l’existence humaine normale. Ainsi, les sédentaires créent les arts plastiques (architecture, sculpture, peinture), c’est-à-dire les arts des formes qui se déploient dans l’espace; les nomades créent les arts phonétiques (musique, poésie), c’est-à-dire les arts des formes qui se déroulent dans le temps ; car, redisons-le encore une fois de plus à cette occasion, tout art, à ses origines, est essentiellement symbolique et rituel, et ce n’est que par une dégénérescence ultérieure, voire même très récente en réalité, qu’il perd ce caractère sacré pour devenir finalement le « jeu » purement profane auquel il se réduit chez nos contemporains (11).

(8) Sur cette signification cosmologique, nous renverrons aux travaux de Fabre d’Olivet.

(9) L’utilisation des éléments minéraux comprend notamment la construction et la métallurgie ; nous aurons à revenir sur cette dernière, dont le symbolisme biblique rapporte l’origine à Tubalcaïn, c’est-à-dire à un descendant direct de Caïn, dont le nom se retrouve même comme un des éléments entrant dans la formation du sien, ce qui indique qu’il existe entre eux un rapport particulièrement étroit.

(10) La distinction de ces deux catégories fondamentales de symboles est, dans la tradition hindoue, celle du yantra, symbole figuré, et du mantra, symbole sonore; elle entraîne naturellement une distinction correspondante dans les rites où ces éléments symboliques sont employés respectivement, bien qu’il n’y ait pas toujours une séparation aussi nette que celle qu’on peut envisager théoriquement et que, en fait, toutes les combinaisons en proportions diverses soient ici possibles.

(11) Il est à peine besoin de faire remarquer que, dans toutes les considérations exposées ici, on voit apparaître nettement le caractère corrélatif et en quelque sorte symétrique des deux conditions spatiale et temporelle envisagées sous leur aspect qualitatif.

Voici donc où se manifeste le complémentarisme des conditions d’existence : ceux qui travaillent pour le temps sont stabilisés dans l’espace ; ceux qui errent dans l’espace se modifient sans cesse avec le temps. Et voici où apparaît l’antinomie du « sens inverse » : ceux qui vivent selon le temps, élément changeant et destructeur, se fixent et conservent ; ceux qui vivent selon l’espace, élément fixe et permanent, se dispersent et changent incessamment. Il faut qu’il en soit ainsi pour que l’existence des uns et des autres demeure possible par l’équilibre au moins relatif qui s’établit entre les termes représentatifs des deux tendances contraires; si l’une ou l’autre seulement de ces deux tendances compressive et expansive était en action, la fin viendrait bientôt, soit par « cristallisation », soit par « volatilisation», s’il est permis d’employer à cet égard des expressions symboliques qui doivent évoquer la « coagulation » et la « solution » alchimiques, et qui correspondent d’ailleurs effectivement, dans le monde actuel, à deux phases dont nous aurons encore à préciser dans la suite la signification respective (12). Nous sommes ici, en effet, dans un domaine où s’affirment avec une particulière netteté toutes les conséquences des dualités cosmiques, images ou reflets plus ou moins lointains de la première dualité, celle même de l’essence et de la substance, du Ciel et de la Terre, de Purusha et de Prakriti, qui génère et régit toute manifestation.

Mais, pour en revenir au symbolisme biblique, le sacrifice animal est fatal à Abel (13), et l’offrande végétale de Caïn n’est pas agréée ; celui qui est béni meurt, celui qui vit est maudit (14). L’équilibre, de part et d’autre, est donc rompu; comment le rétablir, sinon par des échanges tels que chacun ait sa part des productions de l’autre ? C’est ainsi que le mouvement associe le temps et l’espace, étant en quelque sorte une résultante de leur combinaison, et concilie en eux les deux tendances opposées dont il a été question tout à l’heure (15) ; le mouvement n’est lui-même encore qu’une série de déséquilibres, mais la somme de ceux-ci constitue l’équilibre relatif compatible avec la loi de la manifestation ou du « devenir », c’est-à-dire avec l’existence contingente elle-même. Tout échange entre les êtres soumis aux conditions temporelle et spatiale est en somme un mouvement, ou plutôt un ensemble de deux mouvements inverses et réciproques, qui s’harmonisent et se compensent l’un l’autre ; ici, l’équilibre se réalise donc directement par le fait même de cette compensation (16). Le mouvement alternatif des échanges peut d’ailleurs porter sur les trois domaines spirituel (ou intellectuel pur), psychique et corporel, en correspondance avec les « trois mondes » : échange des principes, des symboles et des offrandes, telle est, dans la véritable histoire traditionnelle de l’humanité terrestre, la triple base sur laquelle repose le mystère des pactes, des alliances et des bénédictions, c’est-à-dire, au fond, la répartition même des « influences spirituelles » en action dans notre monde ; mais nous ne pouvons insister davantage sur ces dernières considérations, qui se rapportent évidemment à un état normal dont nous sommes actuellement fort éloignés à tous égards, et dont le monde moderne comme tel n’est même proprement que la négation pure et simple (17).

(12) C’est pourquoi le nomadisme, sous son aspect « maléfique » et dévié, exerce facilement une action « dissolvante » sur tout ce avec quoi il entre en contact ; de son côté, le sédentarisme, sous le même aspect, ne peut mener en définitive qu’aux formes les plus grossières d’un matérialisme sans issue.

(13) Comme Abel a versé le sang des animaux, son sang est versé par Caïn ; il y a là comme l’expression d’une « loi de compensation » en vertu de laquelle les déséquilibres partiels, en quoi consiste au fond toute manifestation, s’intègrent dans l’équilibre total.

(14) Il importe de remarquer que la Bible hébraïque admet cependant la validité du sacrifice non sanglant considéré en lui-même: tel est le cas du sacrifice de Melchisédech, consistant en l’offrande essentiellement végétale du pain et du vin ; mais ceci se rapporte en réalité au rite du Soma vêdique et à la perpétuation directe de la « tradition primordiale » au delà de la forme spécialisée de la tradition hébraïque et « abrahamique » et même, beaucoup plus loin encore, au delà de la distinction de la loi des peuples sédentaires et de celle des peuples nomades ; et il y a là encore un rappel de l’association du symbolisme végétal avec le « Paradis terrestre » c’est-à-dire avec l’« état primordial » de notre humanité. – L’acceptation du sacrifice d’Abel et le rejet de celui de Caïn sont parfois figurés sous une forme symbolique assez curieuse : la fumée du premier s’élève verticalement vers le ciel, tandis que celle du second se répand horizontalement à la surface de la terre; elles tracent ainsi respectivement la hauteur et la base d’un triangle représentant le domaine de la manifestation humaine.

(15) Ces deux tendances se manifestent d’ailleurs encore dans le mouvement lui-même, sous les formes respectives du mouvement centripète et du mouvement centrifuge.

(16) Équilibre, harmonie, justice, ne sont en réalité que trois formes ou trois aspects d’une seule et même chose; on pourrait d’ailleurs, en un certain sens, les faire correspondre respectivement aux trois domaines dont nous parlons ensuite, à la condition, bien entendu, de restreindre ici la justice à son sens le plus immédiat, dont la simple « honnêteté » dans les transactions commerciales représente, chez les modernes, l’expression amoindrie et dégénérée par la réduction de toutes choses au point de vue profane et à l’étroite banalité de la « vie ordinaire ».

(17) L’intervention de l’autorité spirituelle en ce qui concerne la monnaie, dans les civilisations traditionnelles, se rattache immédiatement à ce dont nous venons de parler ici ; la monnaie elle-même, en effet, est en quelque sorte la représentation même de l’échange, et l’on peut comprendre par là, d’une façon plus précise, quel était le rôle effectif des symboles qu’elle portait et qui circulaient ainsi avec elle, donnant à l’échange une signification tout autre que ce qui n’en constitue que la simple « matérialité » et qui est tout ce qu’il en reste dans les conditions profanes qui régissent, dans le monde moderne, les relations des peuples comme celles des individus.

(René Guénon, Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps, Chap. XXI : Caïn et Abel).

Conception de l’histoire selon Guénon

Pour Guénon, l’histoire n’est que le reflet d’un vaste processus cosmique prenant lui-même sa source dans la dimension métaphysique, intemporelleDB 1. En conséquence, l’histoire en tant que science découle de la doctrine métaphysiqueLS 1. Dans la perspective traditionnelle, le temps demeure une notion purement contingente du monde manifesté et ne tire sa réalité que de principes immuablesVD 1. Il a été souligné par plusieurs auteurs, qu’une telle conception de l’histoire s’oppose diamétralement à celle d’Hegel qui enferme, au contraire, sa métaphysique dans la sphère du temporelLS 1,GV 1,DB 2. Plus précisément, comme l’explique Georges Vallin, dans la pensée de Hegel, le mystère intemporel de la non-dualité, de la « coïncidence des opposés », que l’on trouve chez Guénon, est remplacé par « une dialectique temporelle de la thèse et de l’antithèse »GV 2. Pour Vallin, cet enfermement dans le temps de la condition humaine en opposition à la « perspective métaphysique » de Guénon se poursuivit avec le Martin Heidegger d’Être et TempsGV 3. Pour Guénon, un tel enfermement de l’histoire dans le temps coupé de toute réalité transcendante prend une dimension satanique qui explique la chute du monde moderne : comme l’écrit Jean-Pierre Laurant, « l’histoire affirmant son autonomie [dans la sphère du temporel] et la liberté de l’homme dans une création continue faite par lui » devient, pour Guénon, « le MalLS 1 [qui désormais devient] le véritable moteur de l’histoire LS 2 ».

Contenu

Le titre

Guénon a écrit le livre essentiellement en 1942w 1.

L’ange annonce à Saint-Jean la venue prochaine du jugement divin des nations annoncée dans le livre de l’ApocalypseTA 1Tenture de l’Apocalypsed’Angers.

La première partie du titre du livre (Le Règne de la quantité) renvoie au mouvement descendant du cycle de l’humanité qui l’attire vers son pôle inférieurDB 1, le pôle « substantielVD 2 ». Dans la manifestation dans sa totalité, le pôle substantiel est ce qui correspond à la materia prima dans le langage de la scolastique en particulier chez Saint Thomas d’AquinDB 1,VD 3. D’après Guénon, la materia prima correspond à Prakriti dans l’hindouismeVD 4 : c’est une « puissance pure » dénuée de toute propriété qualitative, souvent symbolisée par les « eaux primordiales  » comme au début de la GenèseVD 5. Maintenant, si on ne considère pas la manifestation dans sa totalité, mais un monde spécifique comme le monde corporel dans lequel évoluent les êtres humains, le pôle substantiel n’est substantiel que d’un point de vue relatif : on parle de materia secunda. Ce n’est pas une puissance pure et, donc, n’est pas dénué de toute détermination qualitative, même si par rapport à ce monde spécifique cette materia secunda est ce qu’il y a de moins qualitatif. À la suite de Saint Thomas d’Aquin, Guénon déclare que la materia secunda de notre monde corporel est materia signata quantitateVD 6. En d’autres termes, la seule propriété de ce qui sert de substance ou de « brique élémentaire » à toutes les formes corporelles n’a qu’une seule propriété qualitative : celle de la quantitéVD 6. Point capital qui explique l’importance du nombre, et plus généralement des mathématiques, dans la description de ce que les physiciens appellent la matière, même si, comme l’explique Guénon, le terme moderne spécifique de matière, qu’il juge contradictoire, ne s’identifie pas totalement à la materia secundaVD 6. La puissance des mathématiques dans la description de notre monde matériel est liée à cette propriété de la substance du monde corporel. Toujours est-il que la chute associée à la descente du cycle de l’humanité s’accompagne donc d’un rapprochement de plus en plus important du pôle substantiel du monde corporel dont la seule propriété est la quantité et donc du règne de la quantité par éloignement progressif de toutes les autres propriétés qualitativesVD 7. Le « pôle lumineux » ou essentiel de la manifestation, Purusha dans l’hindouismeVD 8, est le principe qui donne naissance aux formes, aux existences à partir de la substance primordiale. Il est symbolisé par l’« Esprit divin » au-dessus des eaux dans la GenèseVD 5 ou par le soleil qui se reflète dans l’eauVD 8. Il est au contraire purement qualitatif : le qualitatif est un attribut de l’essenceVD 9. La descente au cours du cycle de l’humanité correspond à un obscurcissement de ce pôleVD 7. Pour résumer, le déroulement du cycle de l’humanité correspond à une chute du pôle essentiel vers le pôle substantiel (caractérisé par la quantité pure dans le monde où évoluent les êtres humains)VD 10.

L’autre partie du titre, Les signes des temps, renvoie au futur de ce monde de la quantité, à l’annonce prochaine de la « fin d’un monde », la fin du cycle de l’humanité dans la doctrine des cycles orientale, l’apocalypse, dans le Nouveau TestamentDB 1. Contrairement à ses livres antérieurs, Guénon n’envisage plus la possibilité d’un retour à une civilisation traditionnelleVD 11. S’il ne fait pas référence explicite à la Seconde Guerre mondiale, il parle dans l’avant-propos « d’évènements » qui « n’ont confirmé que trop complètement, et surtout trop rapidement toutes les vues » exposées dans La Crise du monde moderne en 1927RQ 1. À l’origine Guénon avait voulu que Les signes des temps apparaissent avec la même taille de police que Le Règne de la quantité dans le titre : une erreur a fait que Les signes des temps apparurent dans la version d’origine comme dans la plupart des rééditions en plus petit ce qui mit Guénon en colèrew 1,RC 1. Il voulait, en effet, que la dimension apocalyptique du livre qui concernait le futur de l’humanité (liée aux mots Les signes des temps) soit sur le même plan que sa critique du monde moderne tel qu’il existe déjà (liée aux mots Le Règne de la quantité)w 1.

L’épuisement du cycle de l’humanité

Les sept premiers chapitres du livre, difficiles à lirew 1, parlent de la cosmogonie en utilisant de nombreux termes scolastiques : il s’agit, en fait, d’une réponse aux penseurs néothomistes de l’époque (Étienne GilsonAntonin-Gilbert SertillangesJoseph de FinanceRéginald Garrigou-Lagrange et Jacques Maritain) avec qui il avait essayé de s’allier juste après la Première Guerre mondiale et dont il est devenu un ennemi (voir l’article principal). Ces auteurs ont traité de ces sujets en détail et Guénon présente sa version, basée sur les doctrines orientales, qu’il considère comme supérieurew 1. S’il articule bien son discours autour des concepts de substance et d’essence (ou de matière et de forme) comme les néothomistes, Guénon va déclarer qu’ultimement cette distinction doit disparaîtrew 1. D’autre part, la fin du cycle ne sera pas la fin du monde mais la fin d’un monde, contrairement à ce que disent les néothomistesw 1. Enfin, Guénon va faire le de l’humanisme, compris comme la négation de toute dimension supra-humaine, la cause même de l’apparition du monde moderne : il s’agit d’une critique directe du livre l’Humanisme intégral publié en 1936 par Jacques Maritainw 1. Guénon veut prouver que les néothomistes, qui ont alors une énorme influence au Vatican, se trompent et que leurs solutions pour résoudre la crise du monde moderne ne peuvent pas être la bonne. Il est indispensable de réaliser ce contexte pour comprendre de nombreux développements doctrinaux au début de l’ouvragew 1.

L’ange donne à Saint-Jean un roseau d’or pour qu’il mesure la Jérusalem nouvelle dont l’équilibre est le signe de la stabilité voulue par DieuTA 2Tenture de l’Apocalypse d’Angers. Mesurer le monde en le reliant à son principe essentiel est le but des sciences traditionnelles, d’après Guénon.

Si le « Principe » ultime, l’« Infini », introduit dans Les États multiples de l’être est non mesurableDB 1, le domaine du manifesté est, au contraire, dominé par les notions de mesure et de déterminationVD 12. Ce n’est pas un hasard dit Guénon si le verbe metiri (mesurer en latin) est au mot materiaVD 13. Le « pôle lumineux » ou essentiel de la manifestation, qui joue le rôle de l’influence divine, illumine le pôle substantiel, la materia(désigné parfois comme le chaos), pour donner naissance à l’ordre dans le chaos. C’est l’apparition de la manifestation : c’est la Fiat Lux de la GenèseVD 14,DB 1. Dans l’univers traditionnel, il s’agit d’un monde ordonné où toutes les parties sont reliées entre elles par ce geste créateurDB 1. Il est donc possible de mesurer le monde, de le connaître, tout en faisant le lien avec le pôle essentiel, c’est le but de toutes les sciences traditionnelles : d’où l’importance du symbolisme géométrique dans de nombreuses traditionsDB 3. Guénon prend le contre-pied de la physique mécanique, donnant une dimension qualitative à l’espace et au temps intégrés dans une vision globale de la manifestation ; l’espace n’est pas infini. Il n’est pas seulement l’espace dans lequel se meuvent les êtres corporels. L’espace a des propriétés qualitatives (les directions)DB 3. Ceci est encore plus vrai pour le temps qui ne peut être linéaire et universel : il y a plusieurs temps selon les différents univers et les différents cyclesDB 4.

Reprenant les doctrines hindoues, Guénon prétend que le déroulement d’un cycle est toujours une chute du pôle essentiel au pôle substantiel, chaque phase du cycle a ses qualités propres. Nous sommes actuellement dans la dernière phase de la dernière partie du cycle de l’humanité, le Kali Yuga, l’âge sombre, l’Âge du fer de la mythologie grecque caractérisé par la vitesse et la multiplication des évènementsDB 4. Plus important encore, les propriétés de la phase du cycle influent sur l’état du monde : non seulement sur la mentalité mais sur le milieu terrestre, les deux n’étant pas dissociablesDB 4,LS 3. Même les vestiges archéologiques ne peuvent pas nous renseigner complètement sur les périodes anciennes puisqu’ils ont aussi été transformés par la modification du monde avec l’avancement du cycleLS 4. Pour Guénon, cela explique pourquoi les anciens ne semblaient pas voir le monde tel que nous et lui donnaient une dimension de merveilleux que nous ne voyons plus du toutLS 4. Le Kali Yuga prend son origine durant le IVe millénaire av. J.-C.RM 1,LS 5 et a un fort caractère négatif : il se caractérise par le développement des villes, des foules, de la domination du temporel sur le spirituel, du quantitatif sur le qualitatifVD 15. D’après Guénon, la dernière phase du Kali Yuga a débuté au VIe siècle av. J.-C. avec différents évènements importants. Il apparaît, en effet, des réformes religieuses à cette époque : le confucianisme et le taoïsme en Chine, le bouddhisme en Inde, la captivité de Babylone pour les Juifs, le début de la période historique à Rome ; et, point négatif pour Guénon, l’apparition du point de vue profane en GrècePS 1,LS 4.

Les étapes de la chute du monde moderne

Guénon ne reprend pas en détail ici les différentes étapes de l’histoire de l’Europe comme dans La crise du monde moderne et Autorité spirituelle et pouvoir temporel : il se place sur un point de vue plus doctrinal. La descente du cycle s’accompagne d’une descente vers le pôle substantiel, la materia de la scolastique. Or, cette dernière est le principe d’individuation (principium individuationis)RQ 2. De cela, Guénon en déduit que l’évolution du monde moderne se traduit nécessairement non seulement par le règne de la quantité mais aussi par le triomphe de l’individualismeRQ 2. La raison, la faculté intellectuelle individuelle par excellence de l’être humaine, est devenue un « dogme », s’accompagnant, depuis Emmanuel Kant, de la négation de tout ce qui est d’ordre supra-individuel, notamment de l’intuition intellectuelle pureDB 5,RQ 3. Tout cela débouche sur une matérialisation de toutes les activités humaines et du triomphe du domaine économique et de l’industrieDB 5. Parallèlement, il y a disparition des métiers anciens, en particulier de l’artisanat, où l’activité de l’artisan était un prolongement de son être et un support pour son développement spirituelDB 5. Les objets sont estimés par leur prix, signe du règne de la quantitéLS 6.

La Jérusalem céleste apparaît à l’extrême fin du cycle de l’humanité : sa forme est carrée contrairement au paradis terrestre de forme circulaire au début du cycle de l’humanitéTA 3Tenture de l’Apocalypse d’Angers.

Tout cela s’accompagne d’une dégradation de l’environnement qui devient saturé d’images négatives : la monnaie autrefois couverte de signes symboliques devient une simple valeur d’échange dont la valeur quantitative même peut disparaître très rapidement (par l’inflation)DB 5,LS 6. Les matériaux nobles (bois, pierre) disparaissent au profit de métaux attachés au « feu souterrain » associé au « monde infernal » dont l’utilisation, d’après les civilisations traditionnelles, peut-être bénéfique mais aussi très maléfique si utilisée sans contrôle spirituel (d’où l’importance de la science sacrée de la métallurgieVD 16)DB 5,LS 7. Tout cela a un impact considérable sur la psychologie collective (et Guénon reprend une nouvelle fois des idées de Gustave Le Bon et du roman, Nous autres d’Eugène Zamiatine où les êtres humains vivent comme dans des ruches sous un régime totalitaire, sans les citer explicitement)DB 5 : uniformisation des modes de vie, nivellement par le bas, désire effréné de transparence qui pousse à exposer sa vie privée à la vue de tous (en opposition avec l’importance du secret dans le domaine du sacré), etc.

D’un point de vue cosmologique, le règne de la quantité se traduit par une « solidification » du mondeDB 6. Seul le monde des sens devient perceptible, l’environnement devient de plus en plus minéral. Symboliquement, le matérialisme a formé une « coquille » qui empêche d’accéder au ciel (sous-entendu les influences spirituelles) depuis la terreDB 6. Toujours d’un point de vue symbolique, cela correspond au passage de la sphère au cube : l’Œuf du monde symbolise le début du cycle. Il se densifie progressivement pour devenir un cube, la forme la plus dense, qui implique l’arrêt de tout mouvementDB 7,LS 8. Dans le symbolisme judéo-chrétien, il s’agit du passage de Paradis terrestrede forme circulaire au début de l’humanité à la Jérusalem céleste dont la forme carrée signale la fin du cycle à la fin de l’apocalypseDB 7,LS 8.

D’autre part le temps s’accélère (et les évènements se succèdent de plus en plus vite) et l’espace se contracte (les distances semblent moins grandes à cause des moyens de transport)DB 7. La relation entre les peuples nomades et sédentaires a toujours joué un rôle important dans la description de l’histoire humaine chez Guénon. un chapitre entier est consacré à Caïn et Abel qui vont servir à décrire la fin du monde. Caïn est l’agriculteur, le sédentaire qui se fixe dans l’espace, Abel est le pasteur, le nomade qui n’édifie rien de durable. Le sédentaire est lié au principe de compression (temps) et le nomade au principe d’expansion (espace)DB 7. L’équilibre de l’humanité nécessite la conciliation entre ces deux tendancesDB 8. Le fait que seule l’offrande d’Abel soit acceptée par Yahwehest liée au fait que la tradition hébraïque était nomade. Pour Guénon, le meurtre d’Abel par Caïn marque le début du déséquilibre dans l’humanité : le début de la solidification et de la sédentarisation.DB 7 Le temps dévore l’espace : l’accélération du temps (réduction des distances et des délais) conduit les peuples nomades à se sédentariserLS 7. Les villes sont l’expression ultime de la fixation. Mais à l’ultime fin du cycle la succession se transformera en simultanéité et donc le temps en espace (c’est pourquoi on parle de la « fin des temps »), ce qui symboliquement représentera l’ultime vengeance d’Abel sur CaïnDB 8.

La fin d’un monde

L’Antéchrist monte de la mer et remet le pouvoir (sous la forme d’un sceptre) au dragon, symbole de monstruositéTA 4Tenture de l’Apocalypsed’Angers.

Toujours inspiré par les textes hindous et bibliques (et bien que cela semble surprenant à la fin de la guerre avec la montée du communisme et de la guerre froide), Guénon annonce paradoxalement, le retour du religieux à la fin du cycle après le triomphe de l’anti-tradition. L’anti-tradition ne croit qu’en l’individuel et en la raison. La démocratie libérale est la forme typique du système anti-traditionnel pour Guénon (pour être précis le communisme en est sa forme ultime)VD 17. Le triomphe de la bourgeoisie laisse substituer une forme de religiosité mais qui n’est qu’un sentimentalisme basé sur une morale justifiant l’ordre bourgeois sans aucune transcendance véritable. Paradoxalement, d’après Guénon ce monde matérialiste a un grand avantage : s’il coupe l’être humain de sa dimension transcendanteDB 8, il le protège de bien pire encore. Guénon compare l’être humain matérialiste à un mollusque : sa coquille l’empêche d’accéder, par le haut, aux sphères supérieures spirituelles mais le protège, par le bas, des influences psychiques inférieuresRQ 4. Si le spirituel est le supra-humain et le supra-rationnel, la dernière étape du cycle de l’humanité verra l’invasion de l’irrationnel, de l’infra-humain, des forces psychiques infernales. C’est l’étape de la dissolution du monde après celle de sa solidificationLS 7,DB 8. La coquille de l’humanité est fermée par le haut mais commence à se fissurer par le bas laissant pénétrer les forces démoniaques de Gog et MagogLS 7,DB 9. Guénon donne d’abord l’exemple de la psychanalyse : il s’agit d’aller désormais fouiller dans le « bourbier » de l’infra-humain (le subconscient ou l’inconscient)LS 9. Pire encore, la psychanalyse prétend interpréter les symboles transcendants, qui pointent vers le supra-humain, à partir de cet infra-humainDB 10. D’après Guénon, si les interprétations sexuelles des mythes (par exemple des contes de fées) de la psychanalyse freudienne sont encore relativement inoffensives tant elles sont grossièresLS 10, les interprétations jungiennes lui semblent encore bien plus dangereuses : certains textes sacrés relevant des pratiques spirituelles les plus élevées (comme le Bardo Thödol) se voient interprétés par Jung comme des délires de maladies psychiatriques. Pour Guénon, il s’agit ici d’un exemple clair d’inversion complète de la hiérarchie normale : l’infra-humain, l’irrationnel prétend se substituer au supra-humain ou supra-rationnelLS 10,PS 2. Il est à noter que, même si les dangers de la psychanalyse ont été reconnus par les successeurs de Guénon, la vision réductrice qu’il avait de cette discipline a parfois été soulignée par certains d’entre euxCC 1,PS 3.

La seconde venue du Christ et le triomphe ultime contre l’AntéchristTA 5Tenture de l’Apocalypse d’Angers. Guénon voit plusieurs détails identiques dans la description de la seconde venue du Christ de l’Apocalypse et de la venue du dernier avatâra (Kalkî) dans l’hindouisme à la fin du cycle de l’humanitéEH 1 : cheval blanc, épée, diadèmes sur la tête (remplacés par des nimbes sur la tenture ici).

Dans tous les cas, cela illustre le début de ce que Guénon appelle la contre-traditionVD 18, dont les textes apocalyptiques d’Orient et d’Occident, d’après Guénon, annoncent la venue et le triomphe temporaire à l’ultime fin du cycle. Un véritable plan satanique se met en place : les forces psychiques les plus inférieures s’emparent du monde et prétendent singer les anciennes traditions spirituelles. Un renouveau du religieux apparaît après le triomphe du matérialisme. Mais les mouvements religieux correspondants ne sont plus guidés par le spirituel auxquels ils n’ont pas accès, mais par des forces psychiques inférieures. D’une façon générale, le monde moderne se caractérise par une confusion complète du psychique et du spirituel. Guénon voit certains signes spécifiques dans ces mouvements contre-traditionnels (qu’il appelle la « marque du diable ») : le traditionalisme qui remplace la tradition spirituelle, l’inversion des symboles, une volonté frénétique de récupérer les anciennes terres ou villes sacrées pour se donner une certaine légitimité. Le signe le plus clair est une vision manichéenne donc dualiste du monde, c’est-à-dire que le monde est conçu entièrement comme la lutte du bien contre le mal comme si Satan pouvait être mis au même niveau que DieuVD 1. Au contraire, ultimement, le « Principe » est non duel. Le mal n’a aucune existence absolue mais uniquement relative : le bien triomphe partout et toujours malgré les apparencesVD 1. Au stade ultime, l’initiation sera remplacée par une contre-initiation, qui au lieu de conduire vers le supra-humain conduira à l’infra-humainLS 11,VD 19,PS 4. Alors que l’anti-tradition se caractérisait par l’égalitarisme, il y aura un retour à la hiérarchie, mais une hiérarchie spirituelle complètement inverséePS 4 : ce sera la « grande parodie » qui verra le triomphe apparent et temporaire de l’Antéchrist qui règnera sur une caricature de « saint-empire »VD 18,DB 11. Ce ne sera plus le règne de la quantité mais une caricature de la qualité. À un lecteur qui demandait après la guerre si Hitler n’était pas cet Antéchrist dont il parlait, Guénon lui répondit qu’il lui faisait beaucoup trop d’honneur et que la fin de la guerre avait montré que ce n’était pas le cas laissant supposer que ce sera bien pire encoreRC 2. Guénon déclare, d’autre part, que le règne de l’Antéchrist aura un caractère mécanique comme toutes les productions du monde moderne et que les êtres humains se transformeront en êtres mi hommes mi machines : « le faux est forcément aussi l’« artificiel », et, à cet égard, la « contre-tradition » ne pourra pas manquer d’avoir encore, malgré tout, ce caractère « mécanique » qui est celui de toutes les productions du monde moderne dont elle sera la dernière ; plus exactement encore, il y aura en elle quelque chose de comparable à l’automatisme de ces « cadavres psychiques » dont nous avons parlé précédemment, et elle ne sera d’ailleurs, comme eux, faite que de « résidus » animés artificiellement et momentanément, ce qui explique encore qu’il ne puisse y avoir là rien de durable ; cet amas de « résidus » galvanisés, si l’on peut dire, par une volonté « infernale », est bien, assurément, ce qui donne l’idée la plus  nette de quelque chose qui est arrivé aux confins mêmes de la dissolutionRQ 5 ».

Bien qu’apparemment pessimiste, cette présentation de l’avenir se place, d’après Guénon, dans l’ordre des choses. Même la descente du cycle a sa place dans la dimension métaphysique, dans un « plan divin » DB 11,LS 12: il s’agit d’épuiser définitivement les facultés inférieures de l’humanité avant l’arrivée d’un nouveau cycle. La somme des désordres concourt à l’ordre globalDB 11. Le désordre lié à la fin du cycle est inévitable comme l’extrême vieillesse de l’être humain. Guénon n’annonce pas le New Age, mais un nouvel Âge d’or qui apparaîtra uniquement après le règne de l’Antéchrist, lorsque ce dernier aura été vaincu par ce qui est appelé le Messie dans le Judaïsme, la seconde venue du Christ dans le christianisme et l’islam, le dernier avatâra (Kalkî) dans l’hindouisme, le Bouddha Maitreya dans le bouddhisme. D’autre part, Guénon rappelle, en conclusion, que le monde des phénomènes n’est que le monde des illusions. La dimension spirituelle est au delà de la forme, pour celui qui sait l’atteindre, il ne s’agit que du spectacle de l’enchainement des cycles. Encore une fois, la fin du cycle n’est ni maléfique ni bénéfique, ultimement elle fait partie de l’ordre des chosesLS 12, c’est pourquoi, il conclut :

«  Nous avons parlé tout d’abord comme si les deux points de vue « bénéfique » et « maléfique » étaient en quelque sorte symétriques ; mais il est facile de comprendre qu’il n’en est rien, et que le second n’exprime que quelque chose d’instable et de transitoire, tandis que ce que représente le premier a seul un caractère permanent et définitif, de sorte que l’aspect « bénéfique » ne peut pas ne pas l’emporter finalement, alors que l’aspect « maléfique » s’évanouit entièrement, parce que, au fond, il n’était qu’une illusion inhérente à la « séparativité ». Seulement, à vrai dire, on ne peut plus alors parler proprement de « bénéfique », non plus que de « maléfique », en tant que ces deux termes sont essentiellement corrélatifs et marquent une opposition qui n’existe plus, car, comme toute opposition, elle appartient exclusivement à un certain domaine relatif et limité ; dès qu’elle est dépassée, il y a simplement ce qui est, et qui ne peut pas ne pas être, ni être autre que ce qu’il est ; et c’est ainsi que, si l’on veut aller jusqu’à la réalité de l’ordre le plus profond, on peut dire en toute rigueur que la « fin d’un monde » n’est jamais et ne peut jamais être autre chose que la fin d’une illusionRQ 6.  »

Réception

Le livre qui répondait à l’ambiance apocalyptique de la sortie de la guerre fut un tel succès qu’il fut épuisé en deux moisDB 12 et réédité deux fois rapidement.Il fut traduit en anglais en 1953 par Lord Northbourne.

Cependant la réception de l’œuvre de Guénon allait fortement s’épuiser face aux deux nouveaux mouvements dominants : le communisme et l’existentialismeDB 13,RC 3. En posant que « l’existence précède l’essence », Jean-Paul Sartre poussait à l’extrême le processus de chute vers le pôle substantielGV 4 (le « néant » dans le langage sartrien) décrit par Guénon dans le Règne de la quantitéDB 13,GV 5. Comme l’a écrit Xavier Accart : « l’œuvre de Guénon n’avait ni la sympathie des staliniens, ni l’estime des sartriens RC 4 ». Simone de Beauvoir porta un jugement inverse de celui de Simone Weil : les idées « fumeuses  » de Guénon ne méritent pas qu’on s’y arrêteRC 4,DB 13.

Il n’y avait plus aucune passerelle entre l’univers guénonien et une vision d’un monde politico-philosophique totalement immanent associée à une ultra-valorisation de l’histoire conçu comme pure temporalité : c’était exactement ce que Guénon avait décrit comme le monde du Règne de la quantitéDB 13,RC 5 ! Ses livres n’attirèrent plus désormais l’essentiel de l’élite intellectuelle de la capitaleDB 13. Les existentialistes fermèrent toute ouverture vers l’ésotérisme que les surréalistes avaient entrouvertDB 13.

Bibliographie

  • René GuénonLe Roi du monde, Paris, Ch. Bosse, , 104 p. (ISBN 2-07-023008-2)
    Édition définitive remaniée par Guénon publiée en 1950 aux Éditions Traditionnelles: ajout d »un titre à chaque chapitre, certains paragraphes ont été modifiésHR 1. Depuis nombreuses rééditions, dont Gallimard. Les numéros de pages renvoient à l’édition de 1993.
  • René GuénonLe Règne de la Quantité et les Signes des Temps, Paris, Gallimard, , 304 p. (ISBN 978-2070149414)
    Multiples rééditions.
  • René GuénonÉtudes sur l’Hindouisme, Paris, Éditions Traditionnelles, , 288 p. (ISBN 978-2741380207)
    Première édition 1968HR 2, depuis multiples rééditions. Les numéros de pages renvoient à l’édition de 1989 (Éditions traditionnelles).
  • René GuénonSymboles de la Science sacrée, Paris, Gallimard, , 437 p. (ISBN 2-07-029752-7)
    Première édition 1964HR 2, depuis multiples rééditions.
  • René AlleauColloque dirigé par René Alleau et Marina Scriabine: René Guénon et l’actualité de la pensée traditionnelle : Actes du colloque international de Cerisy-la-Salle: 13-20 Juillet 1973, Milano, Archè, 333 p. (ISBN 8872521114)
  • David BissonRené Guénon, une politique de l’esprit, Paris, Pierre-Guillaume de Roux, , 528 p. (ISBN 9-782363-710581)
  • Jean-Pierre LaurantLe sens caché dans l’œuvre de René Guénon, Lausanne, Suisse, L’âge d’Homme, , 282 p. (ISBN 2-8251-3102-4)
  • Georges VallinLa Perspective metaphysique, Paris, Dervy, , 255 p. (ISBN 978-2850763953)
  • Jean VivenzaLe Dictionnaire de René Guénon, Grenoble, Le Mercure Dauphinois, , 568 p. (ISBN 2-913826-17-2)

Notes et références

  • René Guénon, Le Roi du monde, 1927
  1.  Chap. VIII : Le Centre suprême caché pendant le Kali-YugaRené Guénon Le Roi du Monde, 1927
  • René Guénon, Le Règne de la Quantité et les signes des temps, 1945
  1.  Avant-propos, R. Guénon, Le Règne de la Quantité, 1945
  2. ↑ a et b Chap. VI : Le principe d’individuationR. Guénon, Le Règne de la Quantité, 1945
  3.  Chap. XIII : Les postulats du rationalismeR. Guénon, Le Règne de la Quantité, 1945
  4.  Chap. XXIV : Vers la dissolutionR. Guénon, Le Règne de la Quantité, 1945
  5.  Chap. XXXIX : La grande parodie ou la spiritualité à reboursR. Guénon, Le Règne de la Quantité, 1945
  6.  Chap. KL : La fin d’un mondeR. Guénon, Le Règne de la Quantité, 1945
  1.  L’Esprit de l’Inde, publié dans les Études Traditionnelles en novembre 1937.
  • Xavier Accart René Guénon ou le renversement des clartés : Influence d’un métaphysicien sur la vie littéraire et intellectuelle française (1920-1970), 2005
  • Xavier Accart l’Ermite de Duqqi, 2001
  • René Alleau et Marina Scriabine (dir.): René Guénon et l’actualité de la pensée traditionnelle, 1980
  1.  Voir parmi d’autres, les propos de Jean-Pierre Schnetzler, Colloque de Cerisy-la-Salle, 1973p. 239-249
  • David Bisson: René Guénon : une politique de l’esprit, 2013
  • Bruno Hapel, René Guénon et le Roi du Monde, 2001
  • Marie-France James, Ésotérisme et christianisme: Autour de René Guénon, 1981
  • Jean-Pierre Laurant, Le sens caché dans l’œuvre de René Guénon, 1975
  • « Cahiers de l’Herne » : René Guénon, 1985
  • Jean-Pierre Laurant, René Guénon, les enjeux d’une lecture, 2006
  • Jean Robin, René Guénon, témoin de la tradition, 1978
  • Jean-Marc Vivenza, Le Dictionnaire de René Guénon, 2002
  • Jean-Marc Vivenza, La Métaphysique de René Guénon, 2004

Références web

  1. ↑ abcdefgh et i Jean-Marc Vivenza, Jean-Pierre Laurant et David Bisson, « Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps de René Guénon » [archive], BaglisTV, 

Autres références

  1.  Tenture de l’Apocalypse d’Angers, L’envers et l’endroit, Images du patrimoine, Nantes, 1999, p. 40.
  2.  Tenture de l’Apocalypse d’Angers, L’envers et l’endroit, Images du patrimoine, Nantes, 1999, p. 79.
  3.  Tenture de l’Apocalypse d’Angers, L’envers et l’endroit, Images du patrimoine, Nantes, 1999, p. 76.
  4.  Tenture de l’Apocalypse d’Angers, L’envers et l’endroit, Images du patrimoine, Nantes, 1999, p. 52.
  5.  Tenture de l’Apocalypse d’Angers, L’envers et l’endroit, Images du patrimoine, Nantes, 1999, p. 72.